Foncier : la réindustrialisation captera 20 000 hectares de terres agricoles
Un document de travail de France stratégie évalue les effets de la politique de réindustrialisation de l'Hexagone sur les besoins en foncier et en eau d’ici à 2035.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
La réindustrialisation de la France d’ici à 2035 aura un coût pour les ressources naturelles employées par l’agriculture : l’artificialisation de 20 000 hectares de terres agricoles et une répartition plus contrainte de l’eau consommée. Cette prévision est extraite d’un document de travail de France stratégie, une institution autonome chargée d’évaluer et de conseiller les politiques publiques. Même si elle est placée auprès du Premier ministre, elle n’est pas la voix du gouvernement. Ici, elle se charge d’évaluer les effets de la réindustrialisation, fortement portée par un consensus politique récemment.
C’est donc un exercice de prospection que mène l’institution économique. De plus, il s’agit d’une première approche qui ne prétend pas rentrer dans les détails. Elle permet cependant de faire un premier balayage. Les experts érigent huit scénarios qui combinent quatre poids de l’industrie dans le produit intérieur brut (8, 10, 12 et 15 %) et des orientations grossières de cette réindustrialisation (en distinguant les branches de l’amont, c’est-à-dire éloignées du consommateur final, de celle de l’aval et de celles à forte technologie).
Consensus politique
Le document de travail évalue donc l’impact des différents scénarios sur l’emploi, la consommation d’énergie et la production de carbone. Ainsi que sur les ressources naturelles qui sont aussi utilisées par l’agriculture, le foncier et l’eau. En quelque sorte, il mesure la concurrence nouvelle que contient ce consensus politique.
Le foncier, d’abord. Même si on se doute instinctivement qu’implanter une usine consomme des hectares, il n’est pas facile d’établir une relation simple entre le taux d’industrialisation et les hectares occupés. L’état des lieux actuel n’est déjà pas certain. Tout juste sait-on, grâce au Céréma, l’expertise publique du ministère de l’Environnement, que 20 % de la consommation foncière est liée à l’activité économique, sans toutefois distinguer l’industrie dans cette expression.
Toutefois, France stratégie avait déjà utilisé une méthode d’approximation dans un précédent rapport sur l’artificialisation des sols en 2019. Avec elle, elle évalue la consommation foncière de l’industrie à 212 000 hectares. Ce chiffre monte à 225 000 hectares si on tient compte des infrastructures nécessaires à cette activité.
Foncier industriel
Avec la même méthode, France stratégie évalue le besoin supplémentaire en foncier industriel d’ici à 2035 entre - 6 300 hectares et + 79 000 hectares. Mais ces deux chiffres sont affectés aux scénarios extrêmes. Les scénarios plus réalistes, ceux à 12 % de valeur ajoutée industrielle, conduisent à une consommation de 23 200 à 29 700 hectares, quel que soit le type d’industrie créé (mais sans compter la logistique associée).
Ces chiffres sont conséquents au regard de la volonté de sobriété foncière affichée avec le zéro artificialisation nette (ZAN). Le scénario d’industrialisation de 12 % conduirait à artificialiser 2000 hectares par an alors que l’objectif ZAN demande de diminuer l’artificialisation de 12 000 hectares par an (tout besoin confondu). Environ 17 % de l’artificialisation serait consacrée à l’industrie alors qu’elle en représente 5 % en moyenne ces dernières années, ajoute France stratégie.
La suite de l’étude affine un peu ce besoin de terres en prenant en compte deux marges de manœuvre : l’optimisation des équipements des zones industrielles et le recyclage d’une petite partie des 10 à 20 000 anciennes friches économiques. Au final, les besoins d’artificialisation des terres pour l’industrie seraient compris entre 10 000 et 20 000 hectares d’ici à 2035, dans les scénarios à 12 % du PIB.
Concurrence pour l’eau
L’autre ressource naturelle que viendrait capter l’industrie est l’eau. Ce n’était pas forcément un critère déterminant par le passé mais le changement climatique oblige à se poser la question dès maintenant. En moyenne chaque année, 32,4 milliards de mètres cubes d’eau douce sont prélevés (hors hydroélectricité et outre-mer), dont un peu moins de deux milliards pour l’industrie manufacturière.
Quelle sera la ressource en eau en France en 2100 ? (28/06/2024)
Faire des projections de consommation d’eau selon les scénarios de réindustrialisation est plus incertain que pour le foncier. L’ampleur des prélèvements est très différente selon le type d’industrie. L’agroalimentaire, par exemple, prélève beaucoup d’eau du fait de ses process de fabrication. Mais c’est justement dans l’efficacité des process que résident les marges de manœuvre pour réduire l’impact de l’industrie sur les ressources en eau. Les auteurs de l’étude estiment que l’agroalimentaire pourrait augmenter de 30 % son efficacité en réutilisant plus l’eau prélevée.
Malgré toutes ces incertitudes, le document de travail avance des chiffres sur le partage de la ressource qu’impliquera la réindustrialisation. Sans gain technologique, l’industrie augmentera ses prélèvements de l’ordre de 25 % à 60 % selon les scénarios modérés (10 à 12 % du PIB). Tout dépend ensuite des gains d’efficacité qui pourraient toujours permettre de réduire les prélèvements, voire de les diminuer par rapport aux besoins actuels.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :